mercredi 13 juin 2007

Point de Vue : Bruno Julliard


Il ne fait aucun doute qu'une réforme d'ampleur de l'université est nécessaire. Qualifiée par le premier ministre comme "la plus importante" de la législature, la réforme de l'autonomie des universités s'engage sans réel débat sur les objectifs qu'elle doit poursuivre. Elle répond plus à des considérations électoralistes qu'à une réelle volonté de transformation. Les concertations précipitées cachent mal la volonté de passer en force en juillet sur une loi a minima, dont les premières orientations traduisent une démarche à courte vue. La réforme de l'université se résumerait ainsi à un transfert de compétences de l'Etat vers les universités.

L'autonomie accrue des universités ne réglera au mieux pas grand-chose, au pire elle amplifiera les inégalités déjà importantes entre les universités. Car l'autonomie existe déjà : les universités décident de leur offre de formation, du contenu des diplômes et jouissent de marges de manoeuvre conséquentes pour décider de leur organisation interne. Accroître cette autonomie nourrit en réalité l'espoir de l'apparition d'une poignée de grandes universités compétitives sur le territoire, tirées vers le haut par la concurrence entre les grandes universités mondiales. Cela se fera au mépris des plus petits établissements ou des universités de masse, qui n'ont pas la capacité d'affronter un désengagement politique de l'Etat.

Cette instauration d'une université à plusieurs vitesses, avec sélection et frais d'inscription à la carte, serait une rupture avec le service public d'enseignement supérieur qui, loin d'être liquidé, doit au contraire être renforcé. Les difficultés des universités ne proviennent pas d'une trop grande présence de l'Etat, mais plutôt des renoncements successifs de celui-ci ainsi que d'une organisation défaillante. C'est pourquoi la réforme de l'autonomie doit être consacrée à l'amélioration nécessaire du fonctionnement du système. Il faut, par exemple, améliorer la lisibilité de l'offre de formation par une régulation nationale des diplômes. Il est aussi nécessaire d'améliorer l'évaluation des universités pour permettre une administration quotidienne plus souple et plus efficace.

Mais il faut aussi mettre un terme aux inégalités insupportables de financements entre les grandes écoles et les universités. La démocratie à l'université, corollaire de l'autonomie, doit être renforcée par l'affirmation des libertés syndicales et par des compétences de contrôle et de décision pour les élus étudiants et de personnels. Il faudra aussi faire exister les universités et réduire le poids des UFR disciplinaires pour diminuer le poids des corporatismes et accorder une identité politique plus forte aux universités. Cela passera par une mise en adéquation du mandat du président avec l'élection des instances pour que de vraies majorités se dessinent et par une réforme des élections qui supprimera les collèges électoraux et le panachage des listes qui dépolitisent les débats.


ECHEC EN PREMIER CYCLE

La France manque d'étudiants, et plus encore, en raison de l'échec important en premier cycle, d'étudiants diplômés du supérieur. C'est pourquoi la sélection à l'université est un non-sens. Il faut au contraire donner une priorité absolue aux premiers cycles universitaires pour accompagner plus d'étudiants vers la réussite. L'amélioration des dispositifs d'information et d'orientation ne sera pas suffisante si elle ne s'accompagne pas d'une réforme d'ampleur des premiers cycles. Il est nécessaire d'augmenter le nombre de places dans les IUT et BTS et de les ouvrir prioritairement aux bacheliers technologiques et professionnels qui choisissent par défaut les filières générales universitaires.

En outre, il faut revoir le contenu des enseignements de la licence pour permettre une vraie transition entre le secondaire et le supérieur, en faisant le choix de la pluridisciplinarité et de l'orientation progressive.

Enfin, une révolution pédagogique est indispensable. Il n'est plus acceptable que les meilleurs bacheliers bénéficient de conditions d'études plus favorables dans les filières sélectives, alors que les étudiants des universités subissent un véritable bizutage sur les bancs de la fac. Pour cela, il est nécessaire de généraliser les dispositifs de lutte contre l'échec et de valoriser la pédagogie dans la carrière et la formation des enseignants.

Cette bataille pour la réussite ne sera possible qu'avec un plan ambitieux de résorption de la précarité sociale étudiante. Les étudiants n'ont le choix qu'entre l'instabilité des petits boulots et la dépendance vis-à-vis de leur famille. Cette situation est à l'origine de l'échec massif à l'université et des abandons d'études. Ces chantiers méritent un débat large. L'expérience a montré qu'une réforme ne peut être durable que si elle est concertée. Tous les acteurs de l'université, dont l'UNEF, sont prêts à s'y engager. Des moyens importants devront y être consacrés, notamment pour les bâtiments universitaires.

Un premier signe de compréhension des attentes de la communauté universitaire et, au premier chef, des étudiants serait l'annonce d'un collectif budgétaire pour la rentrée prochaine. Il créditerait l'ambition du gouvernement de ne pas se limiter à la logique simpliste et libérale de démission de l'Etat du service public d'enseignement supérieur.


Par Bruno Julliard, président l'Unef

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