dimanche 19 octobre 2008

Les prisons françaises un nid à suicide ?


90 suicides depuis le début de l’année. C’est un décompte bien morbide que le Ministère de la Justice tient en ce moment. Pourtant, l’Observatoire International des Prisons (OIP) a plusieurs fois fait des rappel à l’ordre.

Depuis maintenant plusieurs semaines, nous entendons, enfin, parler d’un malaise qui pourtant de ne date pas d’hier. Celui du suicide en prison. Nombres sont les détenus qui vivent mal cette incarcération. D’aucuns diront qu’ayant commis des actes répréhensibles, ces personnes méritent cette mise à l’écart de la société. Cependant, une société démocratique est respectueuse de valeur comme le droit à la vie, à la dignité humaine, ne peut se permettre de ne pas garantir ces standards minimums.

Le constat est alors plus qu’alarmant : 90 suicides depuis le début de l’année, prise de conscience récente du malaise des détenus et enfin pas de véritable volonté politique de faire bouger les choses. D’ailleurs, l’OIP relève dans son communiqué de presse " l’indigence de la politique de prévention des suicides à l’égard des mineurs détenus, déplore qu’aucune stratégie spécifique n’ait été mise en œuvre à ce jour alors même que la Commission nationale consultative des droits de l’homme avait demandé, dès décembre 2004, qu’« une étude comparative soit réalisée pour mesurer précisément les spécificités du phénomène de suicide des mineurs détenus » ". En somme, l’OIP est plus que critique vis-à-vis des mesures envisagées par Rachida Dati.

De plus, le malaise se fait aussi sentir du côté des surveillants de prison qui eux sont aux premières loges de ces incidents. L’Union générale des syndicats pénitentiaires (UGSP-CGT) a à plusieurs reprise interpellé les pouvoirs publics sur un manque croissant de personnel qui nuit au bon encadrement de chaque détenu. Pour sa part, le Parti socialiste a réagi auprès du gouvernement en lui demandant que soit prise en compte " la gravité de la situation", mais aussi "de mettre immédiatement en place un plan d’accompagnement psychologique et de rénovation des prisons françaises".

En outre, ce malaise est loin d’être récent, puisque dès les années 2000 des cas de suicides auraient déjà dû interpeller la France sur cette nécessité d’une prise en compte psychologique des détenus. De plus, la France vient d’être condamné par la Cour Européenne des droits de l’Homme pour n’avoir pas "protégé le droit à la vie" d’un détenu psychotique qui s’était pendu dans sa cellule en 2000 [1]. Cette condamnation pour défaut de protection du droit à la vie se fonde donc sur l’article 2 de la Convention de 1950. Il s’agit là d’une condamnation lourde de sens, puisque que la Cour s’est fondée sur l’article 2, c’est-à-dire l’un des articles fondamentaux de cette Convention. Ainsi, ce rappel à l’ordre de la Cour de Strasbourg aura peut-être un impact, tel qu’enfin des mesures concrètes et efficaces soient prises.

Bref, les prisons françaises subissent de plein fouet un malaise qui les dépasse. Mais ce malaise ne doit pas pour autant transformer une peine d’enfermement en un suicide.



Notes :

[1] CEDH, Arrêt de Chambre, Renolde c. France, du 16 octobre 2008, requête no 5608/05

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